NE PAS TAILLER TROP PROFONDEMENT DANS LE LARD, SOUS PEINE DE TOUCHER LE MUSCLE
Rajeev Dubey
Businessworld
25 février 2013
M. Kumar Mangalam Birla estime qu'il ne faut pas compromettre le futur pour des bénéfices à court terme en période de récession.
Deux entreprises du groupe Aditya Birla,UltraTech le plus grand fabricant de ciment en Inde et Idea Cellular, troisième opérateur de téléphonie mobile, ont fait leur entrée dans la liste du club 100 pour cent. Presque un tiers de la capacité de production de 52 millions de tonnes d'UltraTech a été ajoutée sur la période 2008-2011. Les nouveaux projets en cours dans les états du Chhattisgarh et du Karnataka demanderont plus de 62 millions de tonnes par an. Idea est l'opérateur dont la croissance est la plus forte en Inde. Avec 40 millions d'abonnés en 2008, Idea a commencé à prendre de l'envergure dès qu'elle est devenue opérateur national en 2009. A la fin du second trimestre 2012-2013, elle a attiré 115 millions d'abonnés. Elle a été aussi celle qui a gagné le plus en portabilité de numéro, ajoutant 3,7 millions d'abonnés récupérés chez ses rivaux. Le président du groupe Kumar Mangalam Birla énumère les composantes de cette croissance :
Lorsque vous avez vu la récession arriver, quelle a été votre première réaction à son impact ?
L'année 2008 a été suivie par deux années de récession puis les choses ont commencé à s'arranger et aujourd'hui on plonge à nouveau. Notre philosophie de fonctionnement consiste à vouloir être les vainqueurs, surtout dans nos entreprises de production, ce qui signifie que si la récession persiste, nous serons les derniers à tomber. Quand vous y réfléchissez, c'est toute l'organisation qui se met à résister, de l'intérieur. Cela vous donne confiance quand vous y êtes préparé. Donc ce n'est pas une question de survie mais plutôt une question de tirer le meilleur d'une situation.
Nous voulons nous obtenir les meilleurs coûts, pas seulement en Inde mais partout dans le monde. Réduire les coûts est aussi essentiel dans le secteur de l'assurance que chez Idea Cellular : il s'agit de pouvoir offrir aux clients une solution de la meilleure qualité et la plus agréable qui soit, contrairement à un produit ou un service. C'est le but du jeu.
Quels ont été les éléments fondamentaux mis en place ?
Le plus important a été de conserver la trésorerie. Chez UltraTech, il s'agissait d'améliorer la productivité et chez idea, de retenir les clients et réussir à en attirer de nouveaux et de bonne qualité.
Quel est la force de cette récession ?
En vingt ans, je n'ai rien connu de tel.
Vous avez investi lourdement pendant cette période. Les stratégies varient-t-elles en fonction de votre rapidité à atteindre le seuil de rentabilité ?
L'impact est différent dans les entreprises de biens de consommation comme les télécoms, au contraire du ciment. Le ciment vous lie à des infrastructures, aux dépenses gouvernementales, à l'envie des gens de faire construire une maison. Dans les télécoms, personne n'imagine arrêter d'utiliser son portable. Il s'agit davantage d'être sensible à la tarification. Les recettes comptent toujours pour beaucoup. Mais cela ne signifie pas que nous allons arrêter d'investir. Dans le ciment, nous étions en plein milieu d'une croissance. Vous n'arrêtez pas une croissance seulement parce que vous êtes au cœur d'une récession. C'est un compromis entre le long terme et le court terme. Mais en général, nous ne sacrifierions pas le long terme pour le court terme.
Mais vos projets dans le Chhattisgarh et le Karnataka (pour un total de 9,2 millions de tonnes par an en capacité de production) auraient été planifiés à cette période...
Ils ont été planifiés vers 2010-2011 (quand la situation s'était améliorée), mais le risque est réduit dans ce cas puisque nous avons une balance commerciale très solide. Si vous considérez les actifs fonciers sur le long terme, c'est-à-dire sur 20, 30 ou 40 ans, alors la perspective est toute autre. Par conséquent, le profil de risque en cas de récession est à garder à l'esprit lors d'un investissement. Pour tous ces motifs, ce n'est pas que nous avons prévu une récession, mais, en ayant vécu une, je pense que nous étions dans une situation très confortable.
Mais d'ici à ce que les capacités se retrouvent en production, elles seront commercialisées sur un marché morose...
Une année supplémentaire passera après que les capacités de production seront industrialisées, et l'offre et la demande commenceront à converger plus que dans les années précédentes. D'ici là, la situation du marché sera bien meilleure.
Quelles sont les pires erreurs que l'on puisse faire lors d'une récession ?
Souvent, on ne reconnaît pas la récession à temps. Parfois, on sous-estime le temps nécessaire pour s'en remettre. Les réactions apportées ne seront pas assez vives. Alors, [ce qui compte c'est] la capacité de sérieux et de perception d'une situation qui soit aussi proche de la réalité à mesure qu'elle se révèle.
Que tirez-vous de tout cela ?
Notre philosophie nous a permis de maintenir le cap. Cela nous a soumis à l'épreuve du stress mais n'a pas provoqué d'angoisse excessive. Il ne s'agissait pas d'un instinct de survie car nous n'étions pas sur le point d'être dans le rouge. Il s'agissait d'une profitabilité qui a été heurtée. Et si on considère le secteur dans lequel nous opérons, nous avons été les moins touchés.
Mais vous êtes entrés sur un nouveau marché, celui des médias, avec des investissements dans Living Media...
C'est un investissement financier qui n'est vraiment pas lié à la récession.
N'envisagez-vous pas de prendre le contrôle?
Non. Aroon (Purie) (Promoteur chez Living Media) a des marques de très bonne qualité, de bonnes propriétés et de bons projets. Donc, (il n'y a) rien à faire de plus.
Comment avez-vous gérer les domaines générant de grosses dépenses comme le marketing, la publicité et la recherche et le développement ?
Bien évidemment, les dépenses en publicité et marketing ont été réduites (de 30 à 40 %). Il a fallu faire des dépenses dans la recherche et le développement étant donné que la gestion de trésorerie prend de l'importance. Mais, selon une expression, il ne faut pas tailler trop profondément dans le lard, sous peine de toucher le muscle. En d'autres termes, il est primordial de ne pas compromettre le futur pour des bénéfices à court terme en période de récession.
Quelles mesures particulières ont été prises dans ces deux entreprises pour sa croissance ?
Nous sommes restés concentrés sur l'essentiel : la productivité, la capacité de traitement et le service client. Nous avons augmenté les efforts sur ces fronts-là. Le côté positif d'une récession, c'est que cela créé un plus grand sens de l'urgence. Vous avancez la prise d'initiatives qui autrement ne surviendrait que plus tardivement.
Pensez-vous que les télécoms iront mieux ou moins bien avec la nouvelle politique des télécoms ?
Ce secteur est dans une moins bonne forme que ce qu'on pourrait penser. Il faut que le gouvernement le reconnaisse : ce n'est plus une vache à traire !
La collaboration en infrastructure va-t-elle mener à de coûteuses fusions et acquisitions dans les télécoms ?
La législation n'est pas très favorable envers les fusions et les acquisitions. Si la législation changeait, tout serait très différent aujourd'hui. Dorénavant, la fusion se produit davantage par le biais de la loi du marché faisant émerger les gagnants par la simple force de la compétition, alourdissant les opérations qui ne sont pas réalisées dans un mode adapté.
Une nouvelle capacité de production de 71 millions de tonnes est actuellement mise en place dans le secteur du ciment. Combien de temps les prix vont-ils allés vers le bas ?
Une grande partie de ce qui se passe dans le secteur du ciment est déterminée par ce qui se passe dans l'infrastructure. Ainsi, une grande partie de ce qui se passe dans l'économie dépend de l'infrastructure. Alors, si nous parlons d'une croissance de 8 à 9%, elle ne peut pas se produire sans construire l'infrastructure. Si l'économie peut croître de 7 à 8%, c'est de bon augure pour le secteur du ciment. Il faudra du temps pour que les nouvelles capacités de production soient absorbées et peut-être 2 ou 3 ans avant que le secteur recouvre la santé. Les prix vont être sous pression à cause de la surcapacité de production.
L'environnement macroéconomique est-il en train de s'améliorer, comme beaucoup le croient ?
Il faudra du temps avant que les choses changent sur le terrain. Mais l'impression générale est plus positive grâce à certaines annonces de la part du gouvernement. Les choses pourraient s'améliorer. Il semble que l'on se rende mieux compte que les signes doivent être pris très au sérieux et qu'il faudra prendre des mesures pour faire en sorte que la situation ne s'aggrave pas.
Quand vous attendez-vous à voir la dépense privée reprendre ?
Pas l'année prochaine. Cela dépend du nouveau gouvernement et de sa politique. Pour le moment, les gens hésitent à faire de nouveaux investissements à cause des retards dans les procédures et des changements de politique.
Les cycles économiques mondiaux de matières premières étaient assez hauts puis sont redescendus. Quelle serait la prévision sur le court et moyen terme ?
Il est très difficile de faire des prévisions, pour plusieurs raisons. La première, il y a la financiarisation des matières premières à cause des fonds spéculatifs, comme par exemple, les fonds de couverture, ou « hedge funds » qui sortent et entrent du secteur des matières premières. Cela rend très difficile toute prévision basée sur les fondamentaux. Les fondamentaux de l'offre et de la demande ou la quantité totale des stocks ne nous aident pas vraiment à prévoir les prix.
L'autre joker dans ce jeu, c'est la Chine. Il y a une série d'exemples où on les voit développer des réserves stratégiques de matières premières pour différentes raisons. La première c'est que l'instabilité économique va persister mais il est très difficile de déchiffrer une tendance pour dire si les prix des matières premières vont augmenter ou baisser.