L'ÉDUCATION : LA CLEF DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
3 septembre 2007
Kumar Mangalam Birla
Président du groupe Aditya Birla
Dans sont imposant essai Esquisse de l'Histoire universelle, l'historien de renom (début du 20è siècle) H.G. Wells l'affirme : « L'histoire humaine devient de plus en plus une course entre l'éducation et la catastrophe ».
Bien plus tard, à la Conférence du Commonwealth sur l'éducation d'Edinbourg, le Professeur Amartya Sen reprit ce constat à son compte. Puis il ajouta : « Si nous continuons à maintenir des larges sections de la population mondiale hors de l'orbite de l'éducation, nous contribuons à rendre le monde non seulement moins juste, mais également moins sûr. »
Lorsque l'on pose la question « Qu'est-ce qui peut grandir notre nation, aujourd'hui reconnue comme l'un des hauts lieux intellectuels du monde ? » La réponse la plus évidente est l'éducation.
Comme le remarquent Wells et le Prof. Sen, bien que séparés dans le temps par plus d'un siècle, l'éducation constitue véritablement la voie menant au progrès et à un monde stable. Ce qui est entendu par là, c'est l'éducation au sens le plus large. L'éducation qui améliore les existences mais également celle basée sur la valeur. L'éducation consolidant les racines mais donnant aussi des ailes.
En observant la situation de l'éducation dans notre pays, des disparités manifestent d'imposent à nos yeux. Il existe un fossé très prononcé. Quand bien même le système d'enseignement supérieur indien a forcé l'admiration du monde, l'état de l'enseignement primaire dans notre pays reste un sujet de sérieuse préoccupation.
Sur les 100 millions d'enfants au monde qui devraient légitimement être sur les bancs des écoles primaires mais n'y sont pas, 20 millions sont indiens. Ces enfants appartiennent à la tranche d'âge de 6 à 14 ans, et 60 pourcent sont des filles. Des raisons socio-économiques comme la pauvreté expliquent cela, aussi difficile à admettre que cela puisse être.
Le seul moyen de transformer ce scénario est de les éduquer. C'est la condition essentielle pour parvenir au développement durable sur tous les fronts.
Il est important que nous réexaminions notre système éducatif avec le recul nécessaire. Je tiens ici à mettre l'accent sur d'une part le besoin d'une orientation vers la recherche dans nos universités, et d'autre part sur une redéfinition du système. Je ne suis pas un pédagogue à proprement parler. Néanmoins l'éducation est un sujet qui me tient à cœur.
La production indienne de professionnels est prodigieuse. Je crois savoir que nous avons plus de 300 universités et près de 20 000 grandes écoles diplômant 2,5 millions de personnes chaque année.
Nos diplômés des instituts technologiques, écoles de commerce et instituts de management spécialisés occupent des postes à responsabilités au sein des meilleurs centres d'affaires et de recherche partout dans le monde. Mais nos universités ne répondent pas présentes dans les secteurs de la recherche de pointe. En Russie, en Israël, au japon et maintenant en Chine, la recherche est encouragée. Les universités y ont adopté le « système des étoiles » (star system). Celui-ci garantit à mes yeux le fait que le financement des salaires et de la recherche pour les étudiants les plus brillants soit à niveau égal avec les plus avantageux de l'industrie.
Bien que beaucoup considèrent que le salaire ne constitue pas la préoccupation majeure pour ceux ayant choisi une orientation académique, selon moi cela attirerait bien plus de grands esprits. Le fait de créer des centres d'excellence et permettre à nos institutions académiques de s'élever au-dessus de la médiocrité est une nécessité avérée. L'approche normative adoptée jusqu'à présent devrait céder la place à un système innovant. La question des ressources financières représente semble-t-il un obstacle sur cette route. Pour le surmonter, les meilleurs groupes du privé devraient injecter des fonds dans les universités, tâche qui pourrait être facilitée par les responsables politiques, faisant ainsi émerger un secteur de connaissances dynamique, innovant, enthousiasmant et vecteur de véritable savoir. Pour en arriver là, les fondamentaux doivent être changés. Cela rend nécessaire un changement complet de paradigme, ni plus ni moins qu'une refonte de notre système éducatif.
Aujourd'hui, notre système éducatif met nos étudiants dans une chaîne de production engendrant en permanence le même genre de modèle. Il ne fait pas de distinction entre les apprenants, ce qui en soit est loin d'être idéal. Je rêve d'un système d'enseignement indien aidant chaque étudiant à réaliser son potentiel maximum. Cela implique que chaque individu dispute une course avec lui-même, en donnant le meilleur de lui-même pour faire appel à toutes ses qualités, de sorte qu'il s'en trouve grandi par un sens aigu de ce qu'il est, pour finalement acquérir de nouvelles compétences qui l'aideront à se bâtir une personnalité aussi intègre que possible. Or ceci va à l'encontre des tendances actuelles. Le système exerce une pression importante sur les parents comme les étudiants afin qu'ils parviennent à obtenir les 90 % nécessaires pour franchir le seuil des établissements universitaires les plus prestigieux.
Il est indispensable que nous opérions un changement de comportement. Il nous faut davantage différencier, afin de créer un système d'enseignement disposant d'options pour prendre en charge les différentes aptitudes et capacités des étudiants. Le système actuel, pour s'exprimer en toute honnêteté, ne procure pas aux étudiants les compétences réelles et actuelles susceptibles d'en faire des gagnants.
De nombreux pays occidentaux, et en Europe notamment, ont mis au point des modèles proposant aux étudiants des choix dès la période d'éducation secondaire. Les étudiants sont alors plus intéressés par ce qu'ils apprennent et ne sont guère stressés. Ces méthodes rendent les salariés plus productifs et heureux, et davantage aptes à contribuer à l'effort commun de construction de la nation.
Je suis convaincu que même les parents devraient s'extraire du moule consistant à souhaiter des parcours professionnels plus conventionnels pour leurs enfants.
Plus tôt nous réviserons notre système éducatif, en prenant conscience de ce fait et en le faisant accepter par les parents, meilleurs seront les outils dont dispose notre pays, qui a besoin de tous les esprits productifs, pour donner le meilleur de lui-même. La mise en place de la Mission d'éducation vocationnelle dans notre pays est une étape supplémentaire en avant.
J'envisage pour l'avenir le déploiement de centaines de centres de formation vocationnelle partout dans le pays. Conjointement aux instituts technologiques, de tels centres offriraient à notre jeunesse un bouquet d'options parmi lesquelles ils pourraient choisir selon leurs aptitudes et leurs capacités. De plus, il est impératif qu'un panel d'experts se réunisse pour mettre à jour notre système éducatif.
Nous le devons à nous-mêmes et aux générations futures en Inde. Pour les années à venir, c'est bien l'investissement dans les processus éducatifs et le fait de prendre soin de notre capital intellectuel qui grandiront notre nation. Cela nous donnera le réel avantage compétitif. Mais encore plus important, cela favorisera l'équité sociale sont nous rêvons si ardemment pour notre pays.